Ma première expérience de Communication avec des animaux sauvages remonte à 2005, j'étais allé rencontrer les baleines dans l'estuaire du ST Laurent. Un lien particulier s'est noué entre ces mammifères marins et moi, si bien que, malgré la distance, il m'arrive de recevoir de temps à autre des messages de groupes d'orques, de dauphins ou autres cétacés sauvages.
Plus récemment, j'ai voyagé aux Açores: un rêve d'enfant. Cet archipel présente une configuration idéale pour l'observation de nombre d'espèces marines, notamment de cétacés, les baleines y sont maintenant protégées, les activités de chasse ont été remplacées par le Whale Watching. Je suis toujours prise de schizophrénie face à ce genre de situation, suivre mon élan pour aller rencontrer "de visu" ces animaux avec lesquels j'ai un lien particulier,et participer à cette industrie touristique que je ne cautionne pas? Ou renoncer à cette rencontre, rester en cohérence avec mes valeurs, mais garder la sensation de trahir une amitié?
Assise sur une plage de pierres volcaniques et de galets, je me suis donc présentée, à distance, aux cétacés croisant dans les territoires atlantiques face à moi, pour savoir si certains voyaient un intérêt à me rencontrer sur l'eau. Un groupe de cachalots s'est présenté: 9 individus, 7 femelles et deux bébés. Elles m'ont invitées à les retrouver dans leur environnement, pour se présenter, s'identifier, créer un début de lien. Je n'avais jamais encore communiqué avec cette espèce.
Ma compagne fait le même exercice que moi, mais elle ne rencontre pas des cachalots, mais bien des dauphins, espèce avec laquelle elle entretien des liens particuliers.
Voir des cachalots aux Açores, lors d'une sortie en zodiac, ne nécessite aucune chance. La plupart des entreprises de Whale Watching proposent de vous rembourser la sortie si vous n'en voyez , et pour cause: tôt le matin, les guetteurs se positionnent sur les points culminants des îles, face à l'océan. Munis de longues vues, ils sur veillent la surface. Dès qu'apparait le souffle d'un cachalot, le guetteur prévient les conducteurs des bateaux, qui chargent leurs touristes et foncent sur le lieu indiqué. 9 bateaux sont autorisés autour d'un seul animal, à une distance réglementaire, avec les moteurs coupés.
Lorsqu'il remonte de sa plongé, le cachalot est obligé de rester 15 minutes en station à la surface pour se réoxygéner, il replongera ensuite pendant 45 minutes dans la direction de sa station, parallèle à des crevasses sous marines, et ressortira quelques km plus loin. Une fois qu'un animal est repéré de cette façon, vous pouvez ainsi le revoir 2 à 3 fois sur une même sortie en mer. Aucun mystère, tout est anticipé, ce qui fait grandir mon malaise lorsque tout ceci m'est expliqué, avant d'aller sur l'eau. Je me demande pourquoi je participe à ce cirque.
Les animaux résidents à l'année dans l'archipel sont identifiés et font l'objet d'observations scientifiques. Des fiches signalétiques sont mises à disposition des entreprises de Whale wathing, si bien que vous pouvez, dans une certaine mesure, savoir en face de "qui" vous vous trouvez lors de la rencontre avec un cachalot.
L'alerte est donné, le conducteur du zodiac nous presse d'embarquer, nous fonçons dans une direction précise. Quelques minutes à peine après notre départ, notre guide arrête le bateau et coupe le moteur. Il prend ses jumelles et fixe l'horizon : un bac de dauphins s'avance vers nous, rapidement, ils sont en pleine chasse. Le banc de poisson qu'ils poursuivent se retrouve encerclé par le groupe sous notre bateau. Nous sommes au cœur de la chasse, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Les animaux ne nous portent aucune attention, ils sont frénétiques, excités et violents. Immobilisés, hors de question d'allumer un moteur, nous voilà pris en otages de cet impressionnant spectacle. Je croise le regard d'une femelle qui est accompagnée d'un petit, et je comprends que je ne la dérange pas le moins du monde: elle vit sa vie, elle est habituée aux allées et venues des zodiacs, elle sait que ce qu'il se passe sous la surface nous échappe, mais si je devais tenter une incursion dans son espace, elle m’assommerait!
Le bateau dérive, les animaux se déplacent, nous nous retrouvons soudain en eau calme, et reprenons notre route. Enter temps, tous les autres bateaux qui étaient de sortie ont trouvé le cachalot, qui a déjà replongé, un autre animal a été signalé, notre guide peste d'avoir perdu "la trace" des baleines, mais nous emmène en direction du deuxième cachalot. Là notre route est coupée par deux dauphins, d'une espèce différente , deux grands dauphins, Tursiops truncatus, qui sont difficiles à observer car ils fuient les embarcations humaines. Ils refusent de nous rencontrer, mais notre capitaine les suit pendant un moment, nous éloignant des cachalots. Nous faisons remarquer que les animaux semblent stressés et dérangés par cette course poursuite, il est de notre avis, et renonce à sa traque. Le pauvre homme est dépité: jamais ça ne lui est arrivé de "louper" tous les cachalots. Il ne sait plus vers où nous emmener.
Soudain, à l'horizon, un souffle de cachalot. Prudemment, nous approchons, nous sommes le seul bateau. De suite je "reconnais" une femelle rencontrée la veille, elle est seule, ce n'est pas la matriarche, qui n'est pas loin. Un deuxième cachalot est signalé tout proche, nous arrivons en même temps que les autres bateau, elles sont finalement deux... J'ai pu de cette manière rencontrer de visu, chacune des 7 femelles adultes du groupe. Le guide identifie le groupe familial grâce aux fiches signalétiques, il annonce que nous devrions voir deux petits, mais nous ne les verrons pas.
Une sortie en mer dure 2h. En 45 minutes, j'avais donc rencontré tout le groupe. Soudain, je dis à ma compagne: "je viens d'avoir un message de la matriarche: c'est finit, on se rentre!" à partir de cet instant, plus aucun cachalot n'a été visible au large de Pico (l'île sur laquelle j'étais).
De retour sur la terre ferme, une chose est sure, maintenant que nous nous sommes rencontrées, il faudra qu'il se revoit, les baleines me donnent rendez-vous!
48h plus tard, j'ai changé d'île, nous sommes sur l'île de Faïal. Nous décidons de faire la sortie en mer avec des biologistes de l’université de Lisbonne, qui les observent, espérant que leur approche sera moins intrusive. Pico et Faïal sont alignées, mais la sortie en mer se site cette fois-ci que l'autre versant, dans un territoire différent de celui déjà exploré lors de notre première sortie.
Les biologistes ont effectivement une approche moins intrusive, nous faisons des arrêtes fréquents tantôt pour observes des oiseaux, tantôt pour ramasser des sacs plastiques flottant à la surface des océans. De ce fait, nous arrivons systématiquement "trop tard" quand un cachalot est signalé, et nos guides refusent de dépasser le nombre de bateaux autorisés: ils finissent par renoncer à "poursuivre" des cachalots et nous proposent d'observer d'autres choses.
Sans qu'on ne s'y attende, notre route croise la route d'une femelle accompagnée d'un petit, rapidement, une deuxième la rejoint. Les petits ne plongent pas aussi profondément que les adultes, alors une femelle reste toujours avec lui "en surface",puis une autre prend la relève. Nous assistons à ce "changement de garde. Puis une troisième femelle le rejoint, ensuite une autre, avec le deuxième petit, tandis que la première replonge...Nous étions le seul bateau présent face à se spectacle. Les biologistes nous identifient les animaux: il s'agit du groupe rencontré 48h avant.
Nous avons la chance d'être avec des scientifiques qui connaissent bien le comportement de ces animaux, qui nous donnent beaucoup d'explications. Ensuite, tout le monde replonge. Nous reprenons la route du retour.
Notre route croise encore deux individus, appartenant au même groupe. Arrêt des moteurs pour un moment unique: les deux baleines vont changer leur trajectoire et se stationner face au zodiac. C'est là que se joue tout l'enjeu de ma rencontre avec ce groupe, avec ma compagne, nous fermons les yeux, pour être plus réceptives aux pensées de ces deux cachalots. Elles nous désignent, par image mentale, via une CA, 3 personnes présentes sur le bateau, nous communiquent des soucis de santé chez l'une d'elle, des blessures émotionnelles chez les autres. S'ensuit ce qui pourrait s'appeler "un soin énergétique" tout le monde est très ému sur le bateau (nous sommes 12), les biologistes commentent à mi-voix, ne comprenant pas le comportement des baleine qui, tantôt se rapprochent, nez contre nez, tantôt entourent le bateau physiquement.
Cet instant prend fin. Nous sommes en silence, tout le monde recommence à respirer, à penser, à prendre des photos. Là, au loin, à l'horizon, un cachalot jaillit des flots. Les deux tiers de sa silhouette sortent de l'océan. C'est sidérant. Les deux scientifiques ont abasourdis, théoriquement, autant une baleine à bosse peut sauter hors de l'eau, autant c'est à priori physiquement impossible pour un cachalot. Pour moi cette baleine est la matriarche, elle vient clore quelque chose, signe la fin de notre rencontre, la fin de cet échange entre son groupe et le groupe humain sur le bateau.
Nous rentrons en silence, émerveillés, bouleversés, je suis dans la gratitude totale d'avoir été invitée par ces baleines à être témoin de ce moment.
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